Clichés anti-cyclistes : notre réponse à Stéphane Le Foll

Suite à des propos tenus mercredi 16 octobre en réunion publique, Cyclamaine adresse cette réponse publique au maire du Mans.

Lettre ouverte

Monsieur le maire,

Lors de la dernière réunion publique consacrée aux Chronolignes qui s’est tenue à l’hôtel de ville, vous avez accusé et critiqué à plusieurs reprises les personnes se déplaçant à vélo, sur la base d’une anecdote.

De tels propos publics de la part d’un responsable sont bien plus lourds de sens et de conséquences que vous semblez le croire. C’est pourquoi nous ne pouvons les laisser sans réponse de façon tout aussi publique.

Vous et votre chauffeur avez donc vu quelqu’un à vélo griller un feu rouge et rouler sur un trottoir. Oui, c’est interdit (sauf, pour le feu rouge, s’il est équipé d’un cédez-le-passage : était-ce le cas ?), mais que cela vient-il faire dans l’introduction d’une réunion publique ?

De quelles autres infractions vous et votre chauffeur avez-vous été témoins lors de ce trajet ? Il y en a forcément eu : griller les feux rouges est moitié plus fréquent en voiture qu’à vélo, du propre aveu des personnes interrogées chaque année par la fondation Vinci autoroutes. Et deux fois plus de personnes reconnaissent téléphoner au volant que griller des feux rouges à vélo.

Or les conséquences de ces délits sont sans commune mesure.

Faire n’importe quoi à vélo, c’est surtout se mettre en danger soi-même. Personne n’a été tué par un ou une cycliste l’année dernière, ni celle d’avant, ni celle d’encore avant, dans toute la France.

Faire n’importe quoi en conduisant un véhicule motorisé, c’est mettre en danger tous les autres. Rien qu’en 2023, 438 personnes à pied et 132 à vélo ont été tuées dans des accidents avec des véhicules motorisés. Or l’Onisr estime, sur la base des enquêtes de police, que piétons et cyclistes ne sont responsables que d’environ 5% de ces accidents mortels. Dans 95% des cas, ce sont les conducteurs d’engins motorisés les responsables de ces morts.

Par accident, ou volontairement.

Moins de 24h avant vos propos, un homme a tué un cycliste à Paris en roulant sur lui avec sa voiture, après avoir commis plusieurs infractions comme griller des feux et circuler sur une piste cyclable. Il est poursuivi pour meurtre.

Cela en dit long sur le climat de violence gratuite contre les cyclistes et le sentiment d’impunité qui anime certains chauffards.

Dans un tel contexte, les propos que vous avez tenus sont graves, car vous avez pointé du doigt une catégorie déjà victime d’une violence quotidienne contre laquelle on ne peut guère se protéger. A vélo, à pied, notre sécurité dépend des autres : c’est une question de société.

D’un responsable politique, on attendrait au contraire qu’il apaise les conflits et qu’il protège les vulnérables.

Alimenter ainsi ce climat d’hostilité injustifiée, même si ce n’est pas ce que vous souhaitez, c’est participer à la banalisation d’un discours hostile aux cyclistes et aveugle au réel problème, celui des violences motorisés. C’est partager les arguments de ceux qui trouvent des excuses aux chauffards meurtriers.

C’est, en fin de compte, contribuer à mettre en danger des milliers de personnes, rien qu’au Mans. Les milliers qui louent des vélos de la Setram et les autres. Ceux et celles qui grillent des feux rouges souvent, parfois ou jamais, mais que vous avez visé de façon indifférenciée en parlant des cyclistes en général, et qui seraient en droit d’exiger des excuses.

Pour notre part, nous ne demandons pas d’excuses mais des actes, puisque vous êtes à la tête de plusieurs collectivités, en position d’agir. Agir au quotidien, à travers la police municipale, contre les infractions et la violence routières, à hauteur de leur dangerosité. Agir dans la durée, en apaisant les rues résidentielles et en aménageant les autres axes, sans chercher de prétexte pour ne pas réaliser d’aménagement cyclable ici ou là.

Vous avez enfin affirmé à plusieurs reprises que des aménagements cyclables ne changeraient rien aux infractions. Nous ne pouvons pas laisser passer une telle contre-vérité sans la corriger.

La seule étude sur le sujet a montré que les infractions commises à vélo sont trois fois moins fréquentes en présence d’aménagements cyclables. C’est une différence majeure. C’en est une, surtout, pour la sécurité des cyclistes d’aujourd’hui comme de demain, et c’est la seule chose qui nous importe en tant qu’association.

Veuillez agréer, monsieur le maire, nos salutations distinguées.

Le conseil d’administration de Cyclamaine

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